Théorie de l’insulte: Comment se connaître à travers le regard des autres?

 Théorie de l’insulte: Comment se connaître à travers le regard des autres? 

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“Tu n’es pas…”, “espèce de…”, “Jamais tu ne…”, “Tu te crois…”, “Je pense que…, …, la liste est longue. A l’écoute de ces critiques, souvent dures au premier contact, notre tendance est d’abord de nous défendre et de répliquer pour “affirmer” notre autorité ou notre position et démontrer à l’auteur desdites “observations” son ignorance ou de lui opposer les mêmes observations sur lui pour équilibrer les débats. Est-ce la seule approche? 


Il y a quelques années, peu avant la mort de mon défunt père, nous avons eu une longue conversation sur une scène à laquelle il a assisté où certains proches (enfants, cousins, grande famille) argumentaient avec “méchanceté” pour avoir raison et où ils répondaient avec force aux critiques formulées par certains membres de la famille. Il s’est adressé à moi après en me posant la question, pendant une de nos sorties père-fils: Qu’as-tu appris de la discussion de ce jour? Je lui ai dit, j’ai beaucoup appris sur les uns et les autres alors que je pensais les connaître. Tout curieux, il demandera de développer ma pensée et je lui dirai: quand une personne “t’insulte”, en réalité cette personne te fait part de sa perception de toi et de son malaise par rapport à une situation. Au lieu de réagir, prête ton oreille à ce qu’elle te dit. C’est en l’écoutant activement et attentivement que tu comprendras mieux pourquoi cette personne affiche une telle attitude. 


Avec le temps, j’ai appris à écouter et à analyser le contenu de toutes les “critiques” ou “observations” formulées à mon égard et j’ai découvert la richesse qui se cachait derrière. Dans une dynamique de Know Yourself Better (KYB), il nous est généralement enseigné la fenêtre de Johari avec ses 4 zones: Espace public (ce que tout le monde connaît de vous, y compris vous même), Espace privé (ce que vous savez de vous-même mais que les autres ignorent, Angle mort (ce que vous ne savez pas sur vous-même, mais que les autres connaissent) et la Zone mystère (Ce que ni vous ni les autres ne savent sur vous-même). 


Dans cet Angle mort, il est généralement demandé de discuter avec son entourage, de faire une analyse 360, de se remettre en question, solliciter les avis…. Plusieurs techniques sont exploitées et avec cette écoute attentive de “l’insulte”, j’ai découvert une manière brutale, mais extraordinaire, d’accéder à la vérité pure sur soi-même qu’on ignore. 


En effet, Nous, être humains, sommes formatés pour maîtriser, développer, dominer, conquérir, apprivoiser et nous avons souvent, pas toujours tout le temps, du mal à accepter que tout ce que nous faisons n’est pas nécessairement aussi extraordinaire que nous le pensons et que nos actes et attitudes ne sont pas nécessairement un modèle ou une référence pour les autres. Dans cette diversité d’approches et de perspectives, il y a forcément plusieurs manières de faire et donc forcément plusieurs manières d’interpréter. En être conscient permet d’avoir un meilleur recul sur les événements et de mieux intégrer les avis divers autour de soi. Ce recul nécessaire facilite la compréhension de soi et la compréhension des autres et crée un cadre de dialogue enrichissant, cohérent, inclusif et impactant. Il nous évite aussi une souffrance inutile développée à cause de la réaction émotionnelle que nous avons vis-à-vis de ces observations que nous appelons insultes. La vraie puissance réside dans ce recul et dans la capacité que nous avons de regarder les choses avec logique et lucidité. Si les mots nous contrôlent, ce que tout le monde peut nous contrôler. Le principe est de maîtriser ces “mots” pour qu’ils ne se transforment pas en “maux” et que nos réactions apportent de la concorde et non de la rancoeur ou de la division. Facile à dire qu’à faire certains le diront! Oui, ils ont certainement raison. Cette réaction est le fruit de notre conditionnement intellectuel qui voudrait que nous ne nous laissions pas faire. Nous avons généralement deux réactions majeures: Oeil pour oeil et dent pour dent ou encore tendre l’autre joue pour se faire gifler en application des principes enseignés dans nos milieux socio-culturels. Parce que toute personne qui reste silencieuse pendant une série d'insultes est considérée comme faible, ceux qui sont autour vont nécessairement pousser pour une réaction forte. Malheureusement, tout ne se règle pas avec de la force ou de la négativité. 


Dans le milieu “professionnel”, les insultes sont bien souvent remplacées par les attitudes hostiles, le rejet, les humiliations, …, et finissent par nous convaincre que nous sommes le problème ou que c’est l’autre qui pose problème  sans vraiment aller en profondeur. En regardant de près et en prêtant attention aux “observations” formulées par les uns et les autres, il se dégage plusieurs vérités: 


> souvent les uns ont peur des autres et la meilleure façon de cacher cette peur est d’attaquer (ne dit-on pas que la meilleure défense est l’attaque);


> certains rejettent simplement l’autorité des autres parce qu’ils estiment mériter plus et que leurs efforts ne sont pas nécessairement reconnus. C’est le cas le plus répandu où certains souffrent de l’intérieur et font payer aux autres cette souffrance sans nécessairement qu’ils aient commis des fautes ou autres impairs: c’est juste que l’autre ne sent pas bien dans sa peau;


> La non acceptation de soi-même! Cette souffrance conduit généralement à une mauvaise collaboration de la personne avec ses collègues. Non pas parce que les collègues sont mauvais, mais simplement à cause du mal être profond du concerné. 

Etc. 


La liste est nécessairement longue, mais ces événements traduisent une grande réalité: besoin de se connaître et de connaître l’autre. Nous sommes des acteurs sociaux, appelés à cohabiter dans un environnement changeant, exigeant, divers et varié, nous ne survivrons que si et seulement si, nous apprenons à nous connaître mieux avant de prétendre connaître les autres. Le plus grand livre qu’il nous est donné de lire est l’être humain. Ses pages sont nombreuses, complexes, difficiles, controversées, lucides, logiques, rationnelles, émotionnelles, mais renferment une richesse qu’aucun autre document au monde ne pourra surpasser. Quand on sait que la personne à laquelle nous parlons le plus au monde est nous-même, la quête pour une meilleure connaissance de soi devient un impératif, voire une obligation. Prêter attention à ce que les autres disent sur nous, nous ouvre une des pages de notre propre vie que nous ignorons et nous donne une opportunité unique d’améliorer notre rapport aux autres et de mieux nous connaître. Réagissons, mais réagissons en ayant compris le message qui nous est envoyé, l’appel qui nous est lancé et parfois l’appel au secours qui nous est adressé. 


Certains disent qu'il n'y a pas de sentiments dans le business, seule la performance compte, mais reconnaissent qu’aucune entreprise ne pourra se développer sans une excellente collaboration des équipes. Il est important de mentionner que l’être humain est un être émotionnel et rationnel. Si réellement il n’y avait pas de sentiment dans le business, il n’y aurait pas de division capital humain et la branche sur l’intelligence émotionnelle ou encore le développement des compétences ne prendraient pas au tant des places dans la gestion du capital humain dans les entreprises.


Avec le temps j’ai appris à écouter ces “observations” appelées “insultes”, à les analyser pour tirer le positif qu’elles renferment, exploiter les leçons tirées et mettre en place un plan d’action pour chaque observation tout en prenant soin d’en discuter avec la/les personne(s) concernée(s) dans une dimension d’approfondissement et de clarification pour une compréhension : “j’ai compris que…”, “merci de m’avoir…”, “Je te remercie pour…”, “peux-tu m’aider à…”, etc. Ce n’est pas facile je sais, cette quête de mieux se connaître nous aide, in fine, à créer un cadre enrichissant et à améliorer notre rapport aux autres, et principalement notre rapport nous-même. 


Hugues Bonshe

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